CRITIQUE / AVIS SÉRIE – “Zorro” est une série ambitieuse et réjouissante, qui aborde avec audace l’identité du héros masqué et la confrontation à celle de son créateur et de ses proches. Avec Jean Dujardin, Audrey Dana, André Dussolier et Grégory Gadebois.
Jean Dujardin s’empare du rôle de Zorro avec brio
On l’a rêvé… et ils l’ont fait ! Le rêve, c’est de revoir à l’écran Zorro/Don Diego de la Vega, personnage créé par Johnston McCulley qui imprime depuis plus d’un demi-siècle la mémoire collective. Ceux qui rendent ce rêve possible dans les 8 épisodes de la série Zorroce sont Benjamin Charbit (Sous-Contrôle) et Noé Debré (Parlement). Ils sont accompagnés au scénario par Emmanuel Poulain-Arnaud (Le Test) et à la réalisation par Emilie Noblet (Les 7 Vies de Léa) et Jean-Baptiste Saurel (Parallèles).
Certes, depuis la fin de la série originale en 1961, plusieurs comédiens ont endossé avec plus ou moins de succès le costume du justicier masqué. Alain Delon en 1975 dans Zorro de l’italien Duccio Tessari, puis Antony Hopkins en 1998 dans Le Masque de Zorro de Martin Campbel, qui était son successeur en la personne d’Antonio Banderas. Ce dernier avait aussi repris du service en 2005 avec La Légende de Zorro.
Le Zorro de cette nouvelle série est cette fois en françaispuisque c’est Jean Dujardin qui met brillamment son humour et son jeu au service du personnage. La cape, le masque et l’épée sont taillés sur mesure pour l’acteur.
La plume de Don Diego ne remplace pas l’épée de Zorro
L’action se déroule en 1821 à Los Angeles. Le maire, Don Alejandro (André Dussollier) a bien du mal à laisser la place à son fils Don Diego. D’emblée, la relation père écrasant-fils pas à la hauteur est abordée avec psychologie – le maître mot de cette série. Voiture c’est bien la psyché de Don Diego qui est analysée avec finesse et dérision dans Zorro au travers de ses relations. Outre celle avec son père qui viendra le hanter outre-tombe, la relation avec son épouse Gabriella (Audrey Dana) est en effet au cœur de la série.
Même si Don Diego a raccroché son épée depuis 20 ans, Gabriella ignore tout de l’activité secrète passée de son époux. Devenu maire, Don Diego se retrouve forcé de reprendre du service. Il n’a pas d’autres choix que de lutter contre la main mise sur la ville par Don Emmanuel (Eric Elmosnino). Les rétrouvailles du héros avec ses accessoires conservés, voire améliorés par le toujours aussi malin et sage Bernardo (Salvatore Ficarra), sont jubilatoires.
Ce qui est très bien vu de la part des créateurs de Zorroc’est la façon dont ils dépeignent les difficultés du héros un peu rouillé à concilier sa double identité. Pour le plus grand plaisir du spectateur, ils jouent ainsi avec l’opposition des deux faces de sa personnalité. Car ce n’est plus la rhétorique politique de son mari et ses projets ambitieux pour la ville qui font rêver Gabriella. Mais bien le parfum d’aventure et de courage que trimballe le ténébreux et charismatique Zorro, qu’elle ne reconnaît évidemment pas.
Les ressentis de Diego/Zorro et de Gabriella sont parfaitement bien décortiqués et les malentendus, les faux-semblants et les retours de situations sont cocasses. D’autant que les auteurs de Zorrotrès inspirés, font participer le spectateur et ne lui cachent rien des secrets au sein du couple. Ni de leurs doutes, leurs mensonges, leur colère, leur déception, les pièges qu’ils se tendent et leur vengeance.
Qui trompe qui ?
Les auteurs proposent également au spectateur de réfléchir sur la capacité de ce couple enlisé dans son quotidien à faire (re)naitre la passion. Car au-delà de la comédie, se pose subtilement la question du devenir d’un héros qui vieillit. Et des raisons qui le poussent ou le freinent à avoir envie de continuer à entretenir le mystère et le fantasme.
Zorro permet de retrouver avec bonheur le personnage du Sergent Garcia (Grégory Gadebois), flanqué de deux acolytes aussi balourds que lui, Gros moustachu (Jean-Benoît Ugeux) et Petit teigneux (Julien Gaspar-Oliveri). Les scénaristes ont eu la bonne idée d’offrir au Sergent la possibilité d’analyser sa propre relation avec Zorro. La compréhension de son obsession complexe pour le justicier et la sagesse qui s’en dégage sont, là aussi, drôlissimes.
De plus, la politique et l’histoire sociale du pays sont abordées sans concession. Ainsi la dure vie des autochtones et les méthodes employées par les richesses pour les maintenir dans un état de quasi-esclavage. Les auteurs font d’ailleurs du jeune Nakaï (Baltasar Espinach) le fils adoptif de Gabriella, mais, rare bémol de la série, ce personnage et son parcours hésitants ne sont pas très convaincants.
La réussite comique de Zorro tient aussi aux dialogues vifs et percutants et à la mise en scène ciselée au millième de secondes près. Les références sont parsemées tout du long, tel un joyeux jeu de piste pour les cinéphiles. Si le bouchon de la dérision est poussé assez loin, un petit essoufflement se fait cependant sentir dans les deux derniers épisodes. Mais grâce à l’excellent castingdont la jubilation est visible à l’écran, Zorro se révèle un petit bijou de sérierenouant avec l’audace et le plaisir du héros originel.
Zorro créé par Benjamin Charbit et Noé Debré, diffusé sur Paramount+ le 6 septembre 2024 et plus tard sur France Télévisions. Ci-dessus la bande-annonce.